CopeauXcabanA
Extrait du rapport de mise en situation professionelle de Clément Vignes
“Le bois de brin, l’art et la maîtrise de l’imperfection.”
Ecole de chaillot. Promotion 2022/2024.
Enseignants: Laure Marieu, Charles Delcour, Camille Jenny
Extrait du rapport de mise en situation professionelle de Clément Vignes
“Le bois de brin, l’art et la maîtrise de l’imperfection.”
Ecole de chaillot. Promotion 2022/2024.
Enseignants: Laure Marieu, Charles Delcour, Camille Jenny
Introduction
Le bois de brin ou bois vert, est un terme ancien de foresterie qui désigne un "brin d’arbre". L‘article propose de présenter cette notion de bois de brin au travers du travail de l’atelier CopeauXcabanA, une association d’artisans charpentiers qui exercent en Dordogne aux Eyzies.
Plusieurs raisons nous ont poussé à travailler sur le bois de brin. D’une part, certaine charpentes sur lesquels nous travaillons sont réalisés en bois de brin, la compréhension des processus de transformations, des assemblages et la préservation de ces ensembles nous anime. D’autre part, l’effervescence autour de la restitution des charpentes de Notre-Dame est enthousiasmant et a participé à conforter mon souhait de mieux comprendre les processus de tranformation traditionnels du bois. Enfin, l’essor que connaît aujourd’hui la construction bois, pouvant , tend à nous questionner.
Selon l’association du Réseau pour les Alternatives Forestières (RAF) [1] , la logique du « tout bois » et son discours en faveur de l’environnement « fait de la forêt un simple gisement de production, un capital comme un autre, soumis à des enjeux financiers de court terme ». Ils soulignent que « la forêt et sa gestion déterminent pour beaucoup nos paysages, la qualité des eaux et des sols, le climat et la biodiversité ». Ces constats apparaissent remplis de bon sens. Même si l’essor autour de la construction en bois est positif, cela justifie-t-il la logique de la coupe rase, de la monoculture... ceci afin de répondre à une tendance du « tout bois » ? N’y a-t-il pas d’autres manières plus raisonnées de gérer et transformer l’arbre ? Ceci dans une logique locale tout en tirant l'enseignement de savoir-faire traditionnels.
C’est ce que nous sommes venus chercher chez l'atelier CopeauXcabanA, une association d’artisans qui baigne dans cette philosophie. La sylviculture douce, l’équarrissage traditionnel des bois, la mise sur ligne, le piquage... font partie de leur quotidien. Ils vivent, travaillent et transmettent ces savoir-faire. Cet article tentera de documenter leurs techniques, toutefois, plutôt que d’en exposer tout l’état de l’art, la méthodologie proposée est celle de l’étude de cas : l’analyse de l’atelier de charpente de CopeauXcabanA entièrement réalisé en bois de brin. Une étude faite depuis la forêt jusqu'à la charpente.
Figure 1 : Photographie d’entailles faites à la hache © CopeauXcabanA
[1] https://www.alternativesforestieres.org/-foret-france-
1 -L’ Atelier CopeauXcabanA
Présentation
L'atelier CopeauXcabanA est situé en Dordogne aux Eyzies sur un terrain d’environ 4,2 hectares.
L’aventure a commencé en 2011 lorsque Yogan et Menthé se sont installés sur le terrain.
Un an plus tard, d'autres charpentiers ont rejoint le lieu.
À cette époque, il y avait des vignes, une forêt non gérée et une ruine.
En 13 ans, une association d'artisans s’est formée autour de ce lieu, lui insufflant vie.
À mon arrivée, plusieurs structures étaient construites sur le site : des cabanes d’habitation, une cuisine commune, un atelier de poterie, un atelier de taille de pierre… À l’est, je découvrais le parc à bois et également la miellerie atelier de transformation et lieu de rencontre culturel.
Le noyau dur du collectif vit sur ce site. Leur démarche attire des personnes de passage : architectes, charpentiers, voyageurs… Il y a toujours de l’activité.
Le point central du lieu est l’atelier de charpente. Une structure en bois de brin qui accueille les outils nécessaires à la taille du bois, suffisamment grande pour assembler des structures de charpente à blanc.
Cette structure nous rappelle la Slovénie où nous avions découvert les « kozolec » : des structures en bois utilisées pour le séchage du foin et d’autres céréales. Elles servaient également de lieu de travail et de rassemblement pour les Slovènes et étaient entièrement réalisées en bois vert.
C’est ce qui transparaît dans l' atelier CopeauXcabanA: un lieu de vie, utilitaire, parfois festif et de rassemblement. Cet atelier est leur œuvre majeure et, à notre grande surprise, ils possèdent peu de documentation graphique sur celui-ci. Il existe quelques précieux dessins à la main, mais aucun de l’état actuel.
Pourtant, des valeurs évidentes ressortent de cette architecture : d’abord une valeur documentaire, pour la richesse des techniques mises en œuvre ; une valeur d’usage qui témoigne de l’art de vivre du collectif ; une valeur artistique dans le soin apporté à certains décors réalisés sur les pannes, poteaux et assemblages.
Figure 2: Plan de site © Atelier Fasea
Figure 3: Herbier de site © Atelier Fasea
Etude de cas: l’atelier de charpente
Depuis 2014 l’atelier a connu des agrandissements.
Nous nous focaliserons sur l’état premier de l’édifice. Une structure de 16,40m de long par 7m80 de largeur entre axe et 8m70 au faîtage.
Au nord, la structure s’implante le long d’un chemin. Les poteaux sont posés sur un mur existant en moellon. Au sud les poteaux sont posés sur des assises en pierre de taille calcaire.
La charpente à panne est composée de 6 fermes latines avec sous entrait et des croix de saint André les reliant . Nous avons 4m10 entre chaque ferme.
De la file 1 à 3 un niveau intermédiaire est présent.
Chaque ferme est unique. Certains poteaux présentent des fourches. Les entraits sont courbes. Les liens sont tous différents. Si le tracé de l’épure de chaque ferme est semblable, les bois à disposition autour du site ont fait la singularité de la structure. Les courbes sont intégrées au moment de la mise sur ligne. Nous verrons précisémment comment dans la partie n°2 de ce rapport.
L’aspect général de l’atelier est perturbant, on voit presque des assemblages d’arbres plutôt que des assemblages de poutres, poteaux, entraits, arbalétrier…
Sur une base documentaire que Yogan m’a communiqué et sur la base de mes observations j’ai constitué une table de données synthétisant les sections, le m3 de bois, l'essence et sa provenance.
Le bois de brin ou bois vert, est un terme ancien de foresterie qui désigne un "brin d’arbre". L‘article propose de présenter cette notion de bois de brin au travers du travail de l’atelier CopeauXcabanA, une association d’artisans charpentiers qui exercent en Dordogne aux Eyzies.
Plusieurs raisons nous ont poussé à travailler sur le bois de brin. D’une part, certaine charpentes sur lesquels nous travaillons sont réalisés en bois de brin, la compréhension des processus de transformations, des assemblages et la préservation de ces ensembles nous anime. D’autre part, l’effervescence autour de la restitution des charpentes de Notre-Dame est enthousiasmant et a participé à conforter mon souhait de mieux comprendre les processus de tranformation traditionnels du bois. Enfin, l’essor que connaît aujourd’hui la construction bois, pouvant , tend à nous questionner.
Selon l’association du Réseau pour les Alternatives Forestières (RAF) [1] , la logique du « tout bois » et son discours en faveur de l’environnement « fait de la forêt un simple gisement de production, un capital comme un autre, soumis à des enjeux financiers de court terme ». Ils soulignent que « la forêt et sa gestion déterminent pour beaucoup nos paysages, la qualité des eaux et des sols, le climat et la biodiversité ». Ces constats apparaissent remplis de bon sens. Même si l’essor autour de la construction en bois est positif, cela justifie-t-il la logique de la coupe rase, de la monoculture... ceci afin de répondre à une tendance du « tout bois » ? N’y a-t-il pas d’autres manières plus raisonnées de gérer et transformer l’arbre ? Ceci dans une logique locale tout en tirant l'enseignement de savoir-faire traditionnels.
C’est ce que nous sommes venus chercher chez l'atelier CopeauXcabanA, une association d’artisans qui baigne dans cette philosophie. La sylviculture douce, l’équarrissage traditionnel des bois, la mise sur ligne, le piquage... font partie de leur quotidien. Ils vivent, travaillent et transmettent ces savoir-faire. Cet article tentera de documenter leurs techniques, toutefois, plutôt que d’en exposer tout l’état de l’art, la méthodologie proposée est celle de l’étude de cas : l’analyse de l’atelier de charpente de CopeauXcabanA entièrement réalisé en bois de brin. Une étude faite depuis la forêt jusqu'à la charpente.
Figure 1 : Photographie d’entailles faites à la hache © CopeauXcabanA
[1] https://www.alternativesforestieres.org/-foret-france-
1 -L’ Atelier CopeauXcabanA
Présentation
L'atelier CopeauXcabanA est situé en Dordogne aux Eyzies sur un terrain d’environ 4,2 hectares.
L’aventure a commencé en 2011 lorsque Yogan et Menthé se sont installés sur le terrain.
Un an plus tard, d'autres charpentiers ont rejoint le lieu.
À cette époque, il y avait des vignes, une forêt non gérée et une ruine.
En 13 ans, une association d'artisans s’est formée autour de ce lieu, lui insufflant vie.
À mon arrivée, plusieurs structures étaient construites sur le site : des cabanes d’habitation, une cuisine commune, un atelier de poterie, un atelier de taille de pierre… À l’est, je découvrais le parc à bois et également la miellerie atelier de transformation et lieu de rencontre culturel.
Le noyau dur du collectif vit sur ce site. Leur démarche attire des personnes de passage : architectes, charpentiers, voyageurs… Il y a toujours de l’activité.
Le point central du lieu est l’atelier de charpente. Une structure en bois de brin qui accueille les outils nécessaires à la taille du bois, suffisamment grande pour assembler des structures de charpente à blanc.
Cette structure nous rappelle la Slovénie où nous avions découvert les « kozolec » : des structures en bois utilisées pour le séchage du foin et d’autres céréales. Elles servaient également de lieu de travail et de rassemblement pour les Slovènes et étaient entièrement réalisées en bois vert.
C’est ce qui transparaît dans l' atelier CopeauXcabanA: un lieu de vie, utilitaire, parfois festif et de rassemblement. Cet atelier est leur œuvre majeure et, à notre grande surprise, ils possèdent peu de documentation graphique sur celui-ci. Il existe quelques précieux dessins à la main, mais aucun de l’état actuel.
Pourtant, des valeurs évidentes ressortent de cette architecture : d’abord une valeur documentaire, pour la richesse des techniques mises en œuvre ; une valeur d’usage qui témoigne de l’art de vivre du collectif ; une valeur artistique dans le soin apporté à certains décors réalisés sur les pannes, poteaux et assemblages.
Figure 2: Plan de site © Atelier Fasea
Figure 3: Herbier de site © Atelier Fasea
Etude de cas: l’atelier de charpente
Depuis 2014 l’atelier a connu des agrandissements.
Nous nous focaliserons sur l’état premier de l’édifice. Une structure de 16,40m de long par 7m80 de largeur entre axe et 8m70 au faîtage.
Au nord, la structure s’implante le long d’un chemin. Les poteaux sont posés sur un mur existant en moellon. Au sud les poteaux sont posés sur des assises en pierre de taille calcaire.
La charpente à panne est composée de 6 fermes latines avec sous entrait et des croix de saint André les reliant . Nous avons 4m10 entre chaque ferme.
De la file 1 à 3 un niveau intermédiaire est présent.
Chaque ferme est unique. Certains poteaux présentent des fourches. Les entraits sont courbes. Les liens sont tous différents. Si le tracé de l’épure de chaque ferme est semblable, les bois à disposition autour du site ont fait la singularité de la structure. Les courbes sont intégrées au moment de la mise sur ligne. Nous verrons précisémment comment dans la partie n°2 de ce rapport.
L’aspect général de l’atelier est perturbant, on voit presque des assemblages d’arbres plutôt que des assemblages de poutres, poteaux, entraits, arbalétrier…
Sur une base documentaire que Yogan m’a communiqué et sur la base de mes observations j’ai constitué une table de données synthétisant les sections, le m3 de bois, l'essence et sa provenance.
Figure 4 : Photographie de l’atelier au moment du montage
© Yogan Bredel
Figure 5 :Liste de débit de l’Atelier CopeauXcabanA © Atelier Fasea
Figure 6 : Axonométrie de l’état n°1 de l’atelier © Atelier Fasea
Figure 7: Feuille de débit © Atelier Fasea
L' atelier copeauxcabana pour préparer l’équarrissage et le choix des bois, avait réalisé une feuille de débit qui est mise au propre sur la figure 7.
Il s’agissait d’indiquer des critères qui sont fixes (section, longueur, matière) et d’autres qui sont variables (forme, courbe). Étaient aussi indiquées les pièces qui seraient sciées et équarries, ainsi que celles uniquement équarries à la hache.
Tous les éléments de la charpente y sont listés avec des prescriptions pour chacun.
Est indiqué là où la courbe est permise, là où, au contraire, les pièces doivent être parfaitement droites sans flache… Il y a comme une forme d’acceptation des possibles imperfections du bois disponible.
L’observation de l’état actuel de l’atelier est remplie de ces singularités. Elles sont cependant maîtrisées dès le départ dans la conception. L'atelier CopeauXcabanA ne savait pas exactement quelle serait la forme ou la courbe, mais ils savaient exactement où elle était permise et l’intérêt qu’elle aurait…
C’est une forme d’intelligence qui transparaît dans cet atelier, une intelligence selon moi en décalage avec notre logique actuelle de conception.
L'on conçoit avec la ressource.
2 -Les procédés de transformation.
De l’arbre au bois d’oeuvre
Figure 8: De l'arbre au bois d'oeuvre © Atelier Fasea
Commençons par la foret.
La sylviculture est une « science ayant pour objet la culture, l’entretien et l’exploitation rationnelle des forêts ».
Il s’agit des premières étapes de la transformation de l’arbre.
Des étapes trop souvent oubliées qui sont pourtant essentielles pour la préservation de notre environnement.
On peut distinguer deux modèles d’action : la sylviculture douce et la sylviculture conventionnelle et industrielle.
La sylviculture douce est une méthode de gestion forestière qui privilégie des interventions minimales pour préserver l’équilibre écologique et la biodiversité des forêts. Elle utilise des techniques de coupe sélective pour encourager la régénération naturelle et maintenir la structure forestière originale. Cette approche soutient la durabilité en minimisant l’impact humain sur les écosystèmes forestiers. C’est une logique de gestion préindustrielle.
La sylviculture conventionnelle quant à elle, tend à optimiser la production de bois à travers des interventions régulières et planifiées, telles que la coupe rase et le reboisement avec des espèces sélectionnées pour leur croissance rapide et leur rendement élevé. Cette approche vise principalement à maximiser les bénéfices économiques et peut inclure l’utilisation intensive de techniques mécanisées et de produits chimiques pour contrôler les parasites et stimuler la croissance.
Cette opposition dans la gestion de la ressource est frappante. Tres vite l’idée de comparer les procédés de transformation industriels et traditionnels m’a paru essentiel. Comprendre l’ensemble des étapes et essayer d’en extraire des avantages et inconvénients pour chaque modèle.
De l’arbre au bois d’oeuvre
Commençons par la foret.
La sylviculture est une « science ayant pour objet la culture, l’entretien et l’exploitation rationnelle des forêts ».
Il s’agit des premières étapes de la transformation de l’arbre.
Des étapes trop souvent oubliées qui sont pourtant essentielles pour la préservation de notre environnement.
On peut distinguer deux modèles d’action : la sylviculture douce et la sylviculture conventionnelle et industrielle.
La sylviculture douce est une méthode de gestion forestière qui privilégie des interventions minimales pour préserver l’équilibre écologique et la biodiversité des forêts. Elle utilise des techniques de coupe sélective pour encourager la régénération naturelle et maintenir la structure forestière originale. Cette approche soutient la durabilité en minimisant l’impact humain sur les écosystèmes forestiers. C’est une logique de gestion préindustrielle.
La sylviculture conventionnelle quant à elle, tend à optimiser la production de bois à travers des interventions régulières et planifiées, telles que la coupe rase et le reboisement avec des espèces sélectionnées pour leur croissance rapide et leur rendement élevé. Cette approche vise principalement à maximiser les bénéfices économiques et peut inclure l’utilisation intensive de techniques mécanisées et de produits chimiques pour contrôler les parasites et stimuler la croissance.
Cette opposition dans la gestion de la ressource est frappante. Tres vite l’idée de comparer les procédés de transformation industriels et traditionnels m’a paru essentiel. Comprendre l’ensemble des étapes et essayer d’en extraire des avantages et inconvénients pour chaque modèle.
2- a- Transformation traditionnelle, étude de l’atelier CopeauXcabanA
Figure 8: Photographie des étapes de transformation de l’arbre à la poutre © CopeauXcabanA
Les bois ayant servis pour l’atelier des CopeauXcabanA sont situés dans un périmètre d’environ 1 km autour de l’atelier de charpente.
Les étapes pour transformer l’arbre en bois d’œuvre peuvent être analysés en 9 temps :
Les 3 premiers points se font en foret
1. L’analyse des arbres
2. L’abattage et billonnage (parfois sciage)
3. Le débardage au tracteur ou cheval
Ensuite la bille va être transformée.
soit entièrement de manière manuel à la hache suivant ces étapes:
4. Fixation et traçage
5. Entailles et faire sauter les "claps" (reste du bois entre chaque entailles)
6. Blanchissage
soit en semi manuel avec banc de scie et tronçonneuse suivant ces étapes:
7. Sciage 2 faces
8. Entailles et clap
9. Blanchissage
1. L’analyse des arbres. Avant l’abattage, chaque arbre est analysé pour déterminer son état de santé, sa taille et la qualité du bois. On y lit ses singularités : des chancres, des nœuds et des possibles roulures, ainsi que la présence d'insectes... Avec la feuille de débit, les arbres sont sélectionnés, les pièces pouvant être courbes sont indiquées au scieur. Certains arbres qui a priori n’auraient pas pu être utilisés en bois d’œuvre sont alors valorisés.
2. L’abattage consiste à couper les arbres de manière contrôlée. C’est une coupe sélective, à la tronçonneuse ou à la hache. La coupe peut être réalisée en hiver quand la sève est dans les racines et en automne après la mise à fruit. Il faut contrôler la chute de l’arbre pour éviter les brisures de fût et éviter les coups de tronçonneuse. Une fois l’arbre abattu, le billonnage suit, qui est le découpage de l’arbre en billes, surbille et charpentière, selon les besoins du projet ou de transport.
3. Le débardage est le processus de transport des billes de bois depuis le lieu de coupe jusqu’au parc à bois du site. Ce transport peut être effectué par tracteur forestier ou chevaux. Le débardage à cheval est parfois réalisé par le collectif suivant les problématiques d’accès.
Il ne faut ensuite pas tarder avant d’équarrir. Le bois est encore tendre et sa taille est plus facile. Parfois l’équarrissage ou le sciage peut se faire directement en forêt.
4. La première étape de l'équarrissage consiste à fixer solidement le bois à l'aide de clameaux et à tracer, sur la longueur de la grume, la ligne de coupe à l'aide d'un niveau et d'un cordeau à poudre. Ce traçage est crucial pour respecter les dimensions des sections et suivre correctement le fil de l'arbre.
5. L’entaille à la hache ou à la scie manuelle se fait sur le dessus ou sur le côté tous les 50 cm environ. On attaque alors la grume avec une hache à dégrossir. Les rebuts de cette étape sont des « claps ». L’on rejoint ensuite les entailles en attaquant la grume sur sa longueur. La surface devient rectiligne.
6. Le blanchissage consiste à nettoyer et à lisser la surface du bois, enlevant les petites imperfections et parties saillantes de la pièce. On utilise alors une hache à blanchir, avec simple biseau (doloire, épaule de mouton...) ou double biseau.
Au moment de l’équarrissage, le bois est à nouveau diagnostiqué en examinant ses cernes. Les gerçures, fentes à cœur, si le bois est étoilé, ou avec roulures... La cadranure, par exemple, est une conséquence de la vieillesse de l’arbre, la gélivure est une poche d’eau gelée entre les cernes qui fait éclater le bois, fréquente chez le chêne. Également, si le cœur de l’arbre est décentré, une tension dans le bois risque de déformer la pièce à terme. Toutes ces données sont extrêmement importantes, notamment pour la technique du bois vert.
Il faut anticiper les déformations liées au séchage qui risquent, une fois l’assemblage réalisé, de mettre sous tension la structure.
Si la méthode manuelle présentée plus tôt respecte un savoir-faire traditionnel qui a d’ailleurs été utilisé pour la restitution des charpentes de Notre-Dame, CopeauXcabanA m’indique que :
« Le but c’est aussi d’arriver à allier ces savoir-faire avec des outils plus modernes pour pouvoir quand même s’aligner en termes de tarifs sur les charpentiers conventionnels. Du coup, est aussi utilisé des machines… “On ne fait pas tout à la main, ça serait complètement impensable. L’idée est d’essayer de trouver comment au quotidien on peut arriver à garder tout ce qui fait le traditionnel de la charpente en intégrant des machines pour nous permettre de gagner du temps. On utilise l’électricité, donc pas mal d’outillages électroportatifs, scie circulaire, tronçonneuse, etc. On n’équarrit pas à la hache le moindre bout de bois qu’on va travailler même si ça ne nous déplairait pas… »
7. Aujourd’hui, la majorité du bois d’œuvre passe par l’étape du sciage sur un banc de scie fixe ou mobile. Les bancs de scies avec des lames horizontales sont plus adaptés aux formes organiques. On distingue le sciage 4 faces pour les pièces rectilignes, poteaux, sablières, etc., et le sciage deux faces avec des courbes possibles « en plot » pour les arbalétriers, liens et entraits. Lorsque la grume est sciée à 2 faces, les parties non traitées peuvent être équarries à la hache ou à la tronçonneuse.
Les grumes de bois, plutôt que de passer sur le banc de scie, peuvent parfois être refendues en demi ou en quartier à l’aide de coins en bois ou plastique.
8 / 9. La tronçonneuse peut remplacer la hache pour faire les entailles et déligner le bois. Un guide va permettre de suivre les courbes permettant de gagner du temps.
Les bois ayant servis pour l’atelier des CopeauXcabanA sont situés dans un périmètre d’environ 1 km autour de l’atelier de charpente.
Les étapes pour transformer l’arbre en bois d’œuvre peuvent être analysés en 9 temps :
Les 3 premiers points se font en foret
1. L’analyse des arbres
2. L’abattage et billonnage (parfois sciage)
3. Le débardage au tracteur ou cheval
Ensuite la bille va être transformée.
soit entièrement de manière manuel à la hache suivant ces étapes:
4. Fixation et traçage
5. Entailles et faire sauter les "claps" (reste du bois entre chaque entailles)
6. Blanchissage
soit en semi manuel avec banc de scie et tronçonneuse suivant ces étapes:
7. Sciage 2 faces
8. Entailles et clap
9. Blanchissage
1. L’analyse des arbres. Avant l’abattage, chaque arbre est analysé pour déterminer son état de santé, sa taille et la qualité du bois. On y lit ses singularités : des chancres, des nœuds et des possibles roulures, ainsi que la présence d'insectes... Avec la feuille de débit, les arbres sont sélectionnés, les pièces pouvant être courbes sont indiquées au scieur. Certains arbres qui a priori n’auraient pas pu être utilisés en bois d’œuvre sont alors valorisés.
2. L’abattage consiste à couper les arbres de manière contrôlée. C’est une coupe sélective, à la tronçonneuse ou à la hache. La coupe peut être réalisée en hiver quand la sève est dans les racines et en automne après la mise à fruit. Il faut contrôler la chute de l’arbre pour éviter les brisures de fût et éviter les coups de tronçonneuse. Une fois l’arbre abattu, le billonnage suit, qui est le découpage de l’arbre en billes, surbille et charpentière, selon les besoins du projet ou de transport.
3. Le débardage est le processus de transport des billes de bois depuis le lieu de coupe jusqu’au parc à bois du site. Ce transport peut être effectué par tracteur forestier ou chevaux. Le débardage à cheval est parfois réalisé par le collectif suivant les problématiques d’accès.
Il ne faut ensuite pas tarder avant d’équarrir. Le bois est encore tendre et sa taille est plus facile. Parfois l’équarrissage ou le sciage peut se faire directement en forêt.
4. La première étape de l'équarrissage consiste à fixer solidement le bois à l'aide de clameaux et à tracer, sur la longueur de la grume, la ligne de coupe à l'aide d'un niveau et d'un cordeau à poudre. Ce traçage est crucial pour respecter les dimensions des sections et suivre correctement le fil de l'arbre.
5. L’entaille à la hache ou à la scie manuelle se fait sur le dessus ou sur le côté tous les 50 cm environ. On attaque alors la grume avec une hache à dégrossir. Les rebuts de cette étape sont des « claps ». L’on rejoint ensuite les entailles en attaquant la grume sur sa longueur. La surface devient rectiligne.
6. Le blanchissage consiste à nettoyer et à lisser la surface du bois, enlevant les petites imperfections et parties saillantes de la pièce. On utilise alors une hache à blanchir, avec simple biseau (doloire, épaule de mouton...) ou double biseau.
Au moment de l’équarrissage, le bois est à nouveau diagnostiqué en examinant ses cernes. Les gerçures, fentes à cœur, si le bois est étoilé, ou avec roulures... La cadranure, par exemple, est une conséquence de la vieillesse de l’arbre, la gélivure est une poche d’eau gelée entre les cernes qui fait éclater le bois, fréquente chez le chêne. Également, si le cœur de l’arbre est décentré, une tension dans le bois risque de déformer la pièce à terme. Toutes ces données sont extrêmement importantes, notamment pour la technique du bois vert.
Il faut anticiper les déformations liées au séchage qui risquent, une fois l’assemblage réalisé, de mettre sous tension la structure.
Si la méthode manuelle présentée plus tôt respecte un savoir-faire traditionnel qui a d’ailleurs été utilisé pour la restitution des charpentes de Notre-Dame, CopeauXcabanA m’indique que :
« Le but c’est aussi d’arriver à allier ces savoir-faire avec des outils plus modernes pour pouvoir quand même s’aligner en termes de tarifs sur les charpentiers conventionnels. Du coup, est aussi utilisé des machines… “On ne fait pas tout à la main, ça serait complètement impensable. L’idée est d’essayer de trouver comment au quotidien on peut arriver à garder tout ce qui fait le traditionnel de la charpente en intégrant des machines pour nous permettre de gagner du temps. On utilise l’électricité, donc pas mal d’outillages électroportatifs, scie circulaire, tronçonneuse, etc. On n’équarrit pas à la hache le moindre bout de bois qu’on va travailler même si ça ne nous déplairait pas… »
7. Aujourd’hui, la majorité du bois d’œuvre passe par l’étape du sciage sur un banc de scie fixe ou mobile. Les bancs de scies avec des lames horizontales sont plus adaptés aux formes organiques. On distingue le sciage 4 faces pour les pièces rectilignes, poteaux, sablières, etc., et le sciage deux faces avec des courbes possibles « en plot » pour les arbalétriers, liens et entraits. Lorsque la grume est sciée à 2 faces, les parties non traitées peuvent être équarries à la hache ou à la tronçonneuse.
Les grumes de bois, plutôt que de passer sur le banc de scie, peuvent parfois être refendues en demi ou en quartier à l’aide de coins en bois ou plastique.
8 / 9. La tronçonneuse peut remplacer la hache pour faire les entailles et déligner le bois. Un guide va permettre de suivre les courbes permettant de gagner du temps.
Figure 9: Schéma du cycle de transformation des bois de l’atelier des Copeaux Cabana © Atelier Fasea
2- b-
Transformation conventionnelle, Scierie de Saint Yaguen
Figure 10: Photographies de différentes étapes du sciage dans la scierie de Saint Yaguen © Atelier Fasea
Passons maintenant à l’analyse du processus de transformation « conventionnel ».
La scierie de Saint-Yaguen que nous avons découverte sur une journée, est située dans les Landes et scie exclusivement du pin maritime.
Le pin maritime (Pinus pinaster) est originaire des régions méditerranéennes et atlantiques d’Europe. Au XVIIIe siècle, divers projets de reboisement furent envisagés pour assainir le sol et stabiliser les dunes de sable mouvantes qui menaçaient les terres agricoles et les villages. C’est au XIXe siècle que l’ingénieur des ponts et chaussées, Nicolas Brémontier, promut le reboisement des Landes avec le pin maritime pour stabiliser les dunes de sable.
Bien que le reboisement ait transformé positivement l’économie locale et contribué à stabiliser les sols, il a aussi entraîné des changements écologiques. La monoculture de pin maritime a réduit la biodiversité et rendu la forêt susceptible aux maladies et aux incendies. Les incendies traumatisants de 2022 sont un exemple des dégâts de cette sylviculture industrielle.
Les étapes pour transformer le pin en bois d’œuvre peuvent être analysées en 9 temps :
Les 3 premiers points se font en forêt:
1. L’analyse du pin.
2. L’abattage.
3. Le débardage en camion.
Ensuite la bille va être transformée et traitée en scierie
4. Ecorçage.
5. Le sciage.
6. Les débitages.
7. Séchage à l’air libre ou en étuve.
8. Le traitement des bois.
9. Les produits.
1. Avant l’abattage, les forestiers évaluent les arbres selon leur taille, leur santé et la qualité du bois. Cette analyse permet de sélectionner les arbres les plus aptes à produire du bois d’œuvre de qualité, tout en évitant ceux qui sont malades ou endommagés.
2. Les arbres sélectionnés sont abattus avec une abatteuse. Cet équipement peut scier l'arbre à la base, le débrancher, le sectionner en tronçons prédéfinis, et parfois même l'écorcer. Cette méthode permet une récolte rapide du bois.
3. Après l’abattage, les troncs sont transportés du site de coupe vers la scierie ou un dépôt intermédiaire. Le débardage se fait souvent par camion, mais parfois aussi par tracteur ou câble, en fonction de la topographie et de la distance.
Transformation et traitement en scierie :
4. À la scierie, les troncs passent à travers des écorceuses qui retirent l’écorce avant le sciage, afin de protéger les lames des machines et d’optimiser la qualité du bois.
5.Les troncs écorcés sont sciés en planches ou en poutres selon des dimensions prédéterminées par la liste de commande. Cette étape est cruciale pour maximiser le rendement en bois d’œuvre de chaque bille.
6. Les planches brutes sont ensuite découpées en sections plus petites ou reformatées pour répondre aux sections standards. Ce processus inclut souvent le découpage de défauts pour améliorer la qualité.
7. Les planches sont séchées pour réduire leur teneur en humidité. Le séchage peut être naturel à l’air libre ou accéléré dans une étuveuse. Ce processus est essentiel pour stabiliser le bois et prévenir les déformations futures.
8. Les bois sont souvent traités avec des produits chimiques pour les protéger contre les insectes, les champignons et l’humidité. Ce traitement peut aussi inclure des processus comme l’imprégnation sous pression.
9. Les produits. Dans le cas de cette scierie, les bois sont vendu avec des caractéristiques associées, classe d’aspect, de resistance, de service etc. Elles sont déterminées suivant des normes européenne:
Classes d’aspect (EN 975-1) :
GP A, GP 1, GP 2 : Ces classes indiquent la qualité visuelle du bois. GP A représente la qualité la plus élevée avec peu ou pas de défauts visibles. GP 1 et GP 2 offrent des qualités décroissantes.
Classes de résistance mécanique (EN 338) :
D30, D24, D18 : Ces classes se réfèrent à la résistance en flexion du bois, mesurée en mégapascals (Mpa). D30 indique une résistance plus élevée, adaptée pour des structures portantes lourdes, tandis que D24 et D18 sont destinées à des applications moins exigeantes.
Classes de service :
Ces classes, de 1 à 4, décrivent la résistance du bois aux conditions environnementales et aux agressions biologiques (insectes, champignons). La classe 1 convient aux environnements intérieurs secs, tandis que la classe 4 est réservée pour les usages extérieurs en contact permanent avec l’eau ou le sol.
Depuis les années 80, ces classes conditionnent l’utilisation du bois. Il devient un produit, et nous oublions doucement ses caractéristiques naturelles. Cette classification, nécessaire d’un point de vue assurantiel, constitue cependant un frein pour l’utilisation du bois vert, difficilement classable. Le bois d’œuvre sur catalogue devient très vite une convention, plus facile à prescrire, répondant à toutes les exigences normatives. On peut ainsi concevoir sans se préoccuper des arbres qui entourent le site de projet, avec juste en tête les classes à respecter...
Figure 10: Photographies de différentes étapes du sciage dans la scierie de Saint Yaguen © Atelier Fasea
Passons maintenant à l’analyse du processus de transformation « conventionnel ».
La scierie de Saint-Yaguen que nous avons découverte sur une journée, est située dans les Landes et scie exclusivement du pin maritime.
Le pin maritime (Pinus pinaster) est originaire des régions méditerranéennes et atlantiques d’Europe. Au XVIIIe siècle, divers projets de reboisement furent envisagés pour assainir le sol et stabiliser les dunes de sable mouvantes qui menaçaient les terres agricoles et les villages. C’est au XIXe siècle que l’ingénieur des ponts et chaussées, Nicolas Brémontier, promut le reboisement des Landes avec le pin maritime pour stabiliser les dunes de sable.
Bien que le reboisement ait transformé positivement l’économie locale et contribué à stabiliser les sols, il a aussi entraîné des changements écologiques. La monoculture de pin maritime a réduit la biodiversité et rendu la forêt susceptible aux maladies et aux incendies. Les incendies traumatisants de 2022 sont un exemple des dégâts de cette sylviculture industrielle.
Les étapes pour transformer le pin en bois d’œuvre peuvent être analysées en 9 temps :
Les 3 premiers points se font en forêt:
1. L’analyse du pin.
2. L’abattage.
3. Le débardage en camion.
Ensuite la bille va être transformée et traitée en scierie
4. Ecorçage.
5. Le sciage.
6. Les débitages.
7. Séchage à l’air libre ou en étuve.
8. Le traitement des bois.
9. Les produits.
1. Avant l’abattage, les forestiers évaluent les arbres selon leur taille, leur santé et la qualité du bois. Cette analyse permet de sélectionner les arbres les plus aptes à produire du bois d’œuvre de qualité, tout en évitant ceux qui sont malades ou endommagés.
2. Les arbres sélectionnés sont abattus avec une abatteuse. Cet équipement peut scier l'arbre à la base, le débrancher, le sectionner en tronçons prédéfinis, et parfois même l'écorcer. Cette méthode permet une récolte rapide du bois.
3. Après l’abattage, les troncs sont transportés du site de coupe vers la scierie ou un dépôt intermédiaire. Le débardage se fait souvent par camion, mais parfois aussi par tracteur ou câble, en fonction de la topographie et de la distance.
Transformation et traitement en scierie :
4. À la scierie, les troncs passent à travers des écorceuses qui retirent l’écorce avant le sciage, afin de protéger les lames des machines et d’optimiser la qualité du bois.
5.Les troncs écorcés sont sciés en planches ou en poutres selon des dimensions prédéterminées par la liste de commande. Cette étape est cruciale pour maximiser le rendement en bois d’œuvre de chaque bille.
6. Les planches brutes sont ensuite découpées en sections plus petites ou reformatées pour répondre aux sections standards. Ce processus inclut souvent le découpage de défauts pour améliorer la qualité.
7. Les planches sont séchées pour réduire leur teneur en humidité. Le séchage peut être naturel à l’air libre ou accéléré dans une étuveuse. Ce processus est essentiel pour stabiliser le bois et prévenir les déformations futures.
8. Les bois sont souvent traités avec des produits chimiques pour les protéger contre les insectes, les champignons et l’humidité. Ce traitement peut aussi inclure des processus comme l’imprégnation sous pression.
9. Les produits. Dans le cas de cette scierie, les bois sont vendu avec des caractéristiques associées, classe d’aspect, de resistance, de service etc. Elles sont déterminées suivant des normes européenne:
Classes d’aspect (EN 975-1) :
GP A, GP 1, GP 2 : Ces classes indiquent la qualité visuelle du bois. GP A représente la qualité la plus élevée avec peu ou pas de défauts visibles. GP 1 et GP 2 offrent des qualités décroissantes.
Classes de résistance mécanique (EN 338) :
D30, D24, D18 : Ces classes se réfèrent à la résistance en flexion du bois, mesurée en mégapascals (Mpa). D30 indique une résistance plus élevée, adaptée pour des structures portantes lourdes, tandis que D24 et D18 sont destinées à des applications moins exigeantes.
Classes de service :
Ces classes, de 1 à 4, décrivent la résistance du bois aux conditions environnementales et aux agressions biologiques (insectes, champignons). La classe 1 convient aux environnements intérieurs secs, tandis que la classe 4 est réservée pour les usages extérieurs en contact permanent avec l’eau ou le sol.
Depuis les années 80, ces classes conditionnent l’utilisation du bois. Il devient un produit, et nous oublions doucement ses caractéristiques naturelles. Cette classification, nécessaire d’un point de vue assurantiel, constitue cependant un frein pour l’utilisation du bois vert, difficilement classable. Le bois d’œuvre sur catalogue devient très vite une convention, plus facile à prescrire, répondant à toutes les exigences normatives. On peut ainsi concevoir sans se préoccuper des arbres qui entourent le site de projet, avec juste en tête les classes à respecter...
Figure 10: Schéma du cycle de transformation des bois dans la scierie de Saint Yaguen
© Atelier Fasea
© Atelier Fasea
3 -Le piquage, l’art des assemblages
Du bois d’oeuvre à la charpente
Figure 11: Du bois d'oeuvre à la charpente © Atelier Fasea
Du bois d’oeuvre à la charpente
Figure 11: Du bois d'oeuvre à la charpente © Atelier Fasea
Figure 12: Photographies de quelques étapes d’assemblage de différents projets des Ateliers CopeauXcabanA
© Atelier Fasea © Yogan Bredel
Dans la première partie, nous avons pu voir comment l'arbre avait été transformé en bois d'œuvre pour l'atelier de charpente des ateliers copeauxcabana. Le collectif m'expliquait que ce premier processus était directement lié aux étapes d'assemblage qui allaient suivre. Le charpentier, lors de la sélection des bois en forêt, a déjà en tête l'assemblage des pièces et les difficultés qu'il pourrait rencontrer.
Au moment de mon stage, j’ai pu participer à la mise sur ligne d’un des projets que le collectif avait en cours. Cette étape est la rencontre parfaite entre le dessin et la matière. L'étagement des pièces de bois, nivelées et implantées précisément au fil à plomb avant le piquage, est un moment magique.
Un art éphémère qui transforme le dessin en architecture. Cette étape est passionnante car, dans ce jeu complexe du piquage, les ateliers copeauxcabana intègrent la courbe des pièces dans la composition. Comment?
Nous verrons quelques techniques qu’utilisent les ateliers CopeauXcabanA, et notamment à quel moment les pièces courbées peuvent être intégrées.
Pour ce travail, un matériel spécifique est nécessaire : cales, coins, plomb à piquer, niveau, crayon, jauge de charpentier, compas... Bien entendu, le plan dessinée sur papier a été réalisée en amont.
Nous avons distingué 9 étapes jusqu’à ce que l’ouvrage de charpente apparaisse.
1. Tracé de l’épure à l’échelle 1/1.
2. Lignage des bois.
3. Mise sur ligne.
4. Le piquage des intersections.
5. Le rembarrement et le traçage des assemblages.
6. Cas particulier du piquage : la polène.
7.La taille des assemblages et le marquage.
8. La mise à blanc.
9. Le levage.
1. Lors du tracé de l’épure, il n’est pas nécessaire de dessiner l’épaisseur de toutes les pièces de bois. Seules les lignes utiles sont indiquées, avec une croix d’épaisseur qui signale le dessous de la pièce. Ainsi, pour un arbalétrier, la ligne du dessus et notamment ses points de contact avec les pannes sont les points importants. Ces points d’appui seront déterminants au moment de la mise sur ligne.
2. Le lignage des bois doit être réalisé avant la mise sur ligne, mais uniquement sur les faces nécessaires. Cette ligne de traçage sur le bois est essentielle pour l’étape du piquage.
3. La mise sur ligne : La pièce la plus encombrante est la première à être positionnée, cela peut être l’entrait, par exemple. Il est essentiel d'utiliser des cales pour bien niveler l'ensemble, en veillant à ce que les cales ne soient pas positionnées sur une intersection de ligne qui bloquerait au moment du piquage. Avec le fil à plomb, on aligne la face de la pièce avec la ligne de référence située en dessous. Dans le cas d'une pièce courbe, il n'est pas nécessaire que toute la face suive la ligne ! On met sur ligne par rapport aux points d’appui importants (pannes, poteaux...); du reste, les courbes sont acceptées. On ajoute des coins pour s’assurer que la face de référence est bien de niveau. Une fois que la pièce est parfaitement calée, il ne faut absolument plus toucher aux cales de nivellement, sinon on recommence ! On répète ainsi le processus pour les pièces qui vont se superposer.
4. Le piquage des intersections : Cette opération peut être effectuée dans le sens des aiguilles d'une montre. Chaque intersection entre pièces superposées est « piquée ». De plus, tous les points de contact avec les murs ou les emplacements des pannes sur les arbalétriers sont également « piqués », ce qui sera utile lors du levage sur site. Le piquage est réalisé avec un crayon de charpentier bien affûté, ayant une face plus longue que l’autre. La position idéale du charpentier est d’avoir l’assemblage vers son ventre. On positionne le fil à plomb à l'endroit de l'intersection des pièces, veillant à ce que le plomb ne touche pas le sol. On réalise deux points et une queue de piqure sur les deux pièces superposées. Cela nous donne des points de référence pour ensuite tracer leur jonction à l'aide de la jauge.
5. Le rembarrement, toujours réalisé avec la jauge, consiste à tracer les points de piqure préalablement définis. Cela revient à projeter la face inférieure sur celle supérieure. Ce rembarrement nous permet ensuite de tracer l’assemblage, comme un tenon par exemple. On décale la ligne de rembarrement de 7 cm pour définir la profondeur du tenon, puis on trace une ligne perpendiculaire pour finaliser le traçage. Un désabout est généralement réalisé pour limiter les parties saillantes qui sont fragiles.
6. Il peut arriver que la pièce de bois ne soit pas totalement d’équerre, elle peut être biaise notamment lorsque l’on travaille avec du bois équarri à la hache. On parle alors de piquage de la "polène" (face biaise). On se sert alors d’un compas pour reporter la face biaise du dessous sur la pièce du dessus. Ce type d’imperfection du bois rend le piquage un peu plus complexe c’est pour ça que blanchir les faces à la hache est tres important. Egalement les pieces sont marquées temporairement pour pouvoir les repérer au moment de la taille.
7. Cette technique du piquage permet de tailler les assemblages avec précision. On taille à l’aide de ciseaux à bois ou d’outillages électroportatifs. Les parties à évider sont marquées d’un « 0 » et les croix indiquent les traits de coupe. C’est aussi le moment où l’on marque chaque pièce de la charpente. Le marquage utilise un système cardinal qui ressemble aux chiffres romains couplé à un système latéral, avec franc à gauche et contremarque à droite, définis selon l’orientation du bâtiment. La ligne de faîtage fait la séparation. Chaque charpentier a son style de marquage mais respecte les mêmes conventions.
8. La mise à blanc permet de tester les assemblages en mettant les pièces sous tension pour simuler l’intégrité structurelle finale. Des chevilles métalliques peuvent être temporairement utilisées à la place des futures chevilles en bois. Cette méthode garantit que tous les éléments s’emboîtent avant la fixation définitive.
9. Le levage est la dernière étape avant l’assemblage des fermes entre elles. Parfois pour des projets spécifiques les copeaux peuvent utiliser le procédé de la chêvre, une méthode traditionnelle associant des structures en «A» en bois, équipée de poulies et de cordages qui permettent le levage. Aujourd’hui les engins de levage sont courant, c’est ce qui a été utilisé pour l’atelier des copeaux cabana. La structure a été levée en 2 jours.
Les fermes sont ensuite assemblées entre elles, les pannes faisant la jonction. La structure est prête à accueillir les chevrons, les liteaux et la couverture.
Figure 13: Schéma du cycle d’assemblage du bois d’oeuvre pour l’atelier des CopeauXcabanA
© Atelier Fasea
Le bois d’œuvre courbe est intégré à la charpente au moment de la mise sur ligne. Le piquage et ses techniques dérivées (polène, chaperon, etc.) permettent de maîtriser toutes les singularités de ce matériau naturel. Ce procédé ancestral, que je considère avoir une grande valeur documentaire, est en opposition complète avec nos principes modernes.
On s'adapte à la ressource naturelle plutôt que d'adapter la ressource naturelle à nos besoins.
Le résultat est un édifice singulier avec une charpente "arbre" qui se fond parfaitement dans son environnement.
L'atelier présente de nombreuses pièces de bois courbes faites avec des arbres qui n'auraient pu être valorisés via une scierie conventionnelle :
- des poteaux fourchus,
- des arbalétriers courbes,
- des liens avec fourche,
- des entraits courbés.
En somme, près de 90 % de la structure de l'atelier utilise du bois qui, d'un point de vue industriel, est rempli d'imperfections empêchant leur utilisation. Grâce à leur savoir-faire, les CopeauXcabanA sont en mesure d'utiliser du bois courbe local, tout en valorisant l'intégralité de l'arbre. Une démarche traditionnelle qu'il convient de valoriser et de réintégrer dans nos processus de conception.
Cette démarche est d'autant plus valable si nous œuvrons sur des charpentes traditionnelles. Ces étapes de transformation et d'assemblage du bois de brin constituent, selon moi, un patrimoine immatériel que la Charte de Nara met en lumière et qu'il faut préserver. C'est un enjeu patrimonial et environnemental.
Figure 14: Schéma axonométrique des éléments courbes de l’atelier des CopeauXcabanA
© Atelier Fasea
© Atelier Fasea
4 -La restauration de charpente en bois de brin
L'atelier des CopeauXcabanA évolue selon les besoins des artisans. Leur association grandit et l'atelier de charpente avec. Ce centre névralgique du lieu doit être en capacité d'accueillir des stagiaires ainsi que des rassemblements pour promouvoir le bois de brin. Aussi, en 10 ans, la structure de l'atelier bouge, le bois vert a séché, des points d'humidité peuvent altérer les bois, des réparations sont donc à réaliser.
On distinguera alors deux types d'actions sur l'existant : l'extension et la greffe. On mettra de côté la partie du traitement des bois en place.
© Atelier Fasea
L'extension :
Se pose la question de comment modifier une structure en place ? Ceci, en rajoutant des éléments, pour augmenter la surface couverte notamment. La réponse peut sembler évidente toutefois, nous avons vu dans les étapes précédentes que la mise sur ligne et le piquage permettent de tracer précisément les futurs assemblages. Or, lorsqu'une partie de la structure est déjà levée, il est difficile de la mettre sur ligne et de la piquer.
Il est possible de considérer alors une structure qui sera autonome par rapport à la structure en place. La nouvelle structure est ainsi désolidarisée de la structure existante. Cette option a l'intérêt d'être réversible et de permettre une dilatation entre les deux ensembles.
L'autre option peut être la technique du "témoin", réaliser un piquage avec une pièce de bois en remplacement de celle qui est existante afin de reproduire l'assemblage. On procède ainsi selon les étapes précédemment énoncées.
Si dans le cas de l'atelier copeauxcabana, les adjonctions en 10 ans ont été multiples, pour d'autres charpentes que nous pouvons hériter, l'action majeure à réaliser sera celle de la réparation. Ceci est souvent lié à des problèmes d'humidité ou au pourrissement des bois. Un diagnostic approfondi est donc à réaliser pour définir les facteurs déclenchants et aggravants de ces détériorations. Dans le cas où les désordres causés sur la pièce de bois sont irréversibles et détériorent ses capacités structurelles, une logique de greffe peut être envisagée.
La greffe :
Ce procédé nécessite en premier lieu d'identifier la qualité du bois à l'endroit où l'assemblage est réalisé. Il faut éviter la présence de nœuds. Également, l'humidité du bois réduit les performances mécaniques et conduit à de possibles retraits suivant sa teneur en eau, elle doit donc être contrôlée avant la greffe. Aussi, l'anisotropie du bois, c'est-à-dire son sens de travail suivant la direction des efforts appliqués par rapport à son fil, est déterminante. Le bois supporte moins bien les efforts de compression dans le sens transversal des fibres que dans le sens longitudinal. Tous ces éléments conditionnent le choix des assemblages pour la greffe.
Le type de l'assemblage s'opère donc en fonction :
- de la sollicitation des efforts de compression, de traction, de cisaillement ou des poussées latérales ;
- de la situation lors du montage ;
- de l'exposition possible aux infiltrations de l'eau ;
- de la complexité de la réalisation ;
- de l'esthétique...
Les assemblages doivent être rationnels et bien planifiés. Leur préparation et fabrication, pour un trait de Jupiter par exemple, peuvent nécessiter une journée de travail. Le succès de ces assemblages repose autant sur le concepteur que sur l’exécutant.
Aussi, un point essentiel pour la réalisation des greffes est qu'elles soient réalisées avec du bois sec, de préférence ancien et de la même essence. Le bois est vert lorsqu'il est mis en place dans des charpentes anciennes, toutefois nous héritons d'un bois sec. Si la greffe est réalisée avec du bois vert, l'assemblage peut être mis en défaut.
© Atelier Fasea
La synthèse de mes échanges avec les ateliers CopeauXcabanA m'a permis de déterminer des types d'assemblages recommandés dans le cadre d'une restauration par greffe :
pour l'arbalétrier à forte pente : assemblage à sifflet désabouté ;
pour l'arbalétrier à faible pente et l'entrait : assemblage à trait de Jupiter avec clés en frêne ;
pour les chevrons : assemblage à sifflet ou à mi-bois (pour les chevrons de forte section) ;
pour les poinçons : assemblage à enfourchement ;
pour les sablières : à double queue d'aronde ou à mi-bois.
Pour une greffe en remplissage longitudinal, la pièce sera chevillée et possiblement collée.
Cette synthèse ne constitue en rien une recette de restauration. Chaque greffe est spécifique et trouvera un assemblage associé.
J'ai volontairement mis de côté tous les aspects de traitement des bois qui n'ont pas été évoqués avec les CopeauXcabanA dans le cadre de notre visite, toutefois cela constitue un enjeu important notamment dans le cadre de bâtiments classés.
La restauration de charpente pose des questions extrêmement techniques mais aussi théoriques.
La greffe est parfois indispensable, mais comment l'aborder ? Doit-elle se situer dans une continuité de la charpente d'origine, aussi bien dans sa conception que sa matière ? Certaines restaurations lourdes, où les capacités portantes de la structure sont en défaut, nous poussent parfois à envisager une hybridation de matière. On voit des confortations par injection à la résine se développer, par exemple. Est-ce une bonne chose ?
Le constat est le suivant : malgré les restaurations et réparations que nous pouvons engager, les ouvrages en bois ne réussissent que trop rarement à traverser les âges. Contrairement à la pierre, le bois tend à disparaitre. Alors que nous reste-t-il ? Que reste-t-il du spectre de l'ouvrage en bois que nous pouvons percevoir dans la maçonnerie ? Sa valeur ne se trouve-t-elle pas dans l'intelligence de sa conception, dans le savoir-faire de sa mise en œuvre, dans ce qui est immatériel ?
Finalement, en perpétuant des techniques traditionnelles, à la fois dans nos processus de restauration et de création, ne participons-nous pas à préserver l'ouvrage bois là où la matière n'est plus ?
Conclusion
Le bois de brin a retrouvé un nouveau souffle grâce à la démarche engagée pour la reconstruction de la charpente de Notre-Dame de Paris. Beaucoup de nos discussions lors de cette mise en situation professionnelle avec les ateliers CopeauXcabanA portaient sur ce chantier pour lequel ils ont travaillé.
Cette technique doit, selon nous, continuer d’exister et être valorisée.
Elle présente des avantages environnementaux évidents, car elle est plus flexible dans le choix du bois, maîtrise ses imperfections et facilite ainsi son usage local. C'est également dans une logique de gestion raisonnée de notre patrimoine forestier que cette technique s'inscrit en faveur de notre biodiversité.
Le bois de brin et le piquage ont une valeur documentaire essentielle qui a influencé la conception des charpentes traditionnelles.
Perpétuer ces techniques permet de préserver l'intelligence de ces ouvrages en bois même là où la matière a disparu. L'utilisation d'outils modernes, comme le font les ateliers copeauxcabana, ne change en rien l'esprit de ces techniques ; bien au contraire, elle permet de les réinventer pour les rendre accessibles au plus grand nombre.
Si il n'est plus commun d'utiliser du bois de brin aujourd'hui, l'architecte du patrimoine est le plus à même de prescrire cette technique pour la faire vivre. Cela prend un sens évident et technique pour des restaurations de charpente construite à l'origine en bois vert, mais cela a aussi un sens théorique et philosophique selon moi.
Car l'architecture n'est pas forcément physique ; elle peut être immatérielle et prendre la forme d'une idée, d'un concept, d'un savoir-faire, qui, même désincarnée, doit pouvoir traverser les âges.
Merci à Yogan, Thomas, Martin, Rémi, Benoît, Erwan, et Menthé des ateliers copeauxcabana pour leur accueil, leur partage de connaissances et leur bienveillance.
La scierie de Saint-Yaguen pour nous avoir ouvert leurs portes.
Sylvain Reina, compagnon charpentier, pour nos échanges autour du bois.
Pour plus d’informations, site internet de CopeauXcabanA : https://copeauxcabana.fr/
La scierie de Saint-Yaguen pour nous avoir ouvert leurs portes.
Sylvain Reina, compagnon charpentier, pour nos échanges autour du bois.
Pour plus d’informations, site internet de CopeauXcabanA : https://copeauxcabana.fr/